Le management est devenu un des symptômes de notre société « post-moderne » : on gère son temps, sa famille et sa vie tout comme on tente de gérer les motivations de ses collaborateurs ou la bonne marche d’un service. Bien gérer ne suffit d’ailleurs pas. La quête de qualité totale et de » zéro défaut » qui imprègne de plus en plus l’univers de l’entreprise s’étend désormais hors de ses frontières. Il s’agit de réussir sa vie, d’être performant en tout, bref de « gagner » dans une société qui ne veut connaître que le succès et n’a que faire des perdants. Parallèlement, un autre mouvement s’amorce qui se préoccupe de la dimension « spirituelle » de l’entreprise et cherche à lui conférer le statut d’une instance de développement personnel : on parle de l’identité, voire de l’âme de l’entreprise et c’est par elle, à travers elle, grâce à elle que l’individu est aussi censé se développer et réaliser son idéal. Or l’excellence a un coût : le stress permanent, les « décompressions » physiques et psychiques, la « brûlure interne » de ceux qui se consument dans l’obsession de la performance constituent la face cachée de cette course à la réussite… L’entreprise, en effet, n’est pas seulement pourvoyeuse de succès et de carrière, elle est aussi, parfois, pourvoyeuse de mal-être et d’angoisse. C’est toute cette face d’ombre de notre société de conquête qui cette face d’ombre de notre société de conquête qui constitue le cœur de ce livre, qui s’appuie sur une recherche approfondie dans l’univers managérial et intègre de nombreux témoignages.
Nicole Aubert, Vincent de Gaulejac, Le coût de l’excellence, Paris, Seuil, 1991